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(Québec) Ces jours-ci, Pauline Marois a un pincement au cœur en regardant le calendrier. Le 4 septembre 2012, il y a dix ans, il était élu Premier ministre. Pour la première fois, les Québécois avaient une femme au pouvoir. Mandat minoritaire. Mais quand il voit la nouvelle, il ressent une douleur intense. Le débat d’aujourd’hui sur la montée de la violence, des discours de haine et des menaces contre les candidats résonne toujours en elle. Sa victoire a été éclipsée par une attaque meurtrière en marge d’un rassemblement du parti à Métropolis, au centre-ville de Montréal. L’arme de Richard Henry Bane s’est enrayée, mais il a eu le temps de tuer un machiniste, Denis Blanchett, et d’en blesser gravement un autre, Dave Courage. Bain sera condamné à la prison à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant 20 ans. Dans le procès intenté par les victimes, on notera que le jour de l’élection, six menaces ont été proférées à l’encontre de Mme Maroua, notamment sur les réseaux sociaux. Mme Marois a choisi de ne pas trop parler de l’événement à l’époque, a rappelé Dominique Lebel, devenu chef de cabinet adjoint. Elle ne voulait pas que le début de son mandat soit éclipsé par ce moment sombre. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE Pauline Marois, ancienne première ministre du Québec Maintenant je regrette de ne pas l’avoir signalé plus et surtout de l’avoir nommé. C’était clairement une attaque politique, contre la démocratie, contre les souverains et contre moi. Pauline Marois, ancienne première ministre du Québec Mais le tireur voulait être le bras armé d’Anglo-Québec, et Mme Marois ne voulait pas « aggraver les relations avec la communauté anglophone ». Selon elle, la haine, la violence et la frustration ont augmenté ces derniers mois. “Mon sentiment est que le langage violent envers les femmes et les politiciens est en augmentation. Celle-ci est apparue « notamment dans le sillage du mouvement complotiste, [du] mécontentement à l’égard des mesures sanitaires en cas de pandémie ». “On n’a pas réussi à contenir le mouvement de contestation à Ottawa, ça a touché d’autres personnes, inconsciemment”, estime-t-il.

Départs et Défis

En 2012, Jean Charest avait déclenché des élections le 1er août, pour des scrutins le 4 septembre. Le Québec était encore marqué par les turbulences du printemps érablière. Le chef libéral avait fait son annonce sur un tarmac d’aéroport, pour éviter tout risque de manifestation. Après trois élections, déchirées par le débat sur l’intégrité, il avait misé sur une proposition qui divise : demander aux électeurs de choisir entre paix sociale et heurts de rue. Il sera défait dans la circonscription de Sherbrooke, mais le PLQ, avec 50 députés, n’aura que 4 sièges de moins que le PQ. Pauline Marois était entrée en campagne électorale déstabilisée, observe Nicole Stafford, directrice de cabinet et, surtout, conseillère constante de l’ancien premier ministre. Les 18 mois précédant l’élection ont été pour elle une véritable croix, même si elle a reçu le soutien de 93 % des délégués à l’assemblée d’avril 2011. Cette période a été marquée par une cascade de démissions parmi les députés. Benoit Charette d’abord, Daniel Ratthé, François Rebello, hypnotisés par la montée en puissance du nouveau parti de François Legault, la Coalition avenir Québec. Puis les départs intempestifs de Louise Beaudoin, Pierre Curzi, Lisette Lapointe, mécontents notamment de l’appui de leur parti au projet d’amphithéâtre du maire Régis Labeaume. Jean-Martin Aussant partira également pour former un nouveau parti dominant, Option nationale, une manœuvre qui nuira aux chances du PQ dans plusieurs circonscriptions où la course était serrée, estime Stafford. Pour le chef du PQ, seulement deux bonnes nouvelles en ces mois difficiles : Daniel Breton, écologiste bien connu, a annoncé qu’il serait le candidat du parti et, contre toute attente, le chroniqueur Stéphane Laporte a décrit Mme Marois comme « la femme particulière ». , l’incarnation même de la résilience. Début 2012, la CAQ était en tête des sondages, avec 39 %, et le PQ touchait le fond à 18 %. Le 4 septembre, le PQ et le PLQ sont au coude à coude avec 31 % des suffrages. La CAQ, qui avait débuté la campagne en fanfare avec la candidature de l’ex-policier Jacques Duchesneau, a terminé avec 27 %, pour 19 sièges. Le vote « non libéral » obtenu par François Legault explique la courte victoire de Pauline Marois. Pourquoi un résultat aussi décevant pour PQ ? « Je pense que c’est parce que nous avons apporté le travail de domination. À chaque élection, on a vu un déclin graduel du Parti québécois. Nous avions une bonne équipe, nous proposions des politiques gouvernementales passionnantes, mais la souveraineté était moins soutenue. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas nécessaire ! », croit encore Mme Marois. Culpabilité ; “Des petites choses. A propos de Gentilly – le district avait trouvé la fermeture de l’usine rapidement annoncée par Mme Marois après l’élection “brutale”. Je voulais que les décisions difficiles soient annoncées rapidement, je ne voulais pas donner l’impression que, maintenant élu, je remettais en cause des décisions délicates. Pauline Marois, ancienne première ministre du Québec La mise en place du gouvernement Maroua a conduit à une série de décisions très rapides. “Les six premiers mois ont été beaucoup d’incendies. Je sens que l’attentat a créé un sentiment d’urgence», insiste Sylvain Tanguay, directeur du PQ, au cœur de la stratégie électorale.

L’épreuve des faits

Plus récemment, Jean St-Gelais, secrétaire général du gouvernement choisi par Mme Marois, soulignait qu’elle gouvernait sans se rendre compte qu’elle était minoritaire à l’Assemblée nationale. « Il a raison, j’ai fait le même constat, on aurait pu agir différemment. Nous n’avons pas proposé des choses que nous n’avions pas annoncées. On était dans l’opposition depuis neuf ans, il y avait eu des congrès, des conseils nationaux, on arrivait avec un calendrier chargé, on n’avait pas de mesures improvisées à deux mois des élections », se souvient Pauline Marois. PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE Pauline Marois à l’Assemblée nationale, novembre 2013, alors qu’elle était première ministre du Québec Mais la promesse péquiste d’abolir la « taxe santé » instaurée sous Jean Charest a rapidement résisté à l’épreuve des faits. Les finances publiques ne l’ont pas permis. Pour ne pas trop frapper la classe moyenne, on optera pour une réduction tenant compte des revenus. L’engagement de revenir à l’équilibre budgétaire sera également reporté. Encore une erreur ? “La Charte des valeurs aurait dû s’appeler la Charte de la laïcité, cela expliquerait mieux notre objectif d’introduire la laïcité dans nos institutions, qu’elle était fondée sur l’égalité entre les hommes et les femmes”, estime désormais Mme Marois. La carte de Bernard Drainville ne passera jamais, mais une série de réformes de la loi électorale seront néanmoins mises en place — la contribution maximale sera réduite de 3 000 $ à 100 $. La Réforme du droit 101 de Diane De Courcy ne sera jamais adoptée. La première loi votée par son gouvernement visera à assurer l’intégrité et la transparence dans l’attribution des marchés publics. “On a retrouvé la paix sociale” en réduisant les hausses de frais de scolarité prévues qui avaient déclenché le mouvement des carrés rouges, rappelle aussi Mme Marois. À l’automne 2013, plusieurs au PQ voulaient déclencher des élections anticipées, mais ceux qui entourent Mme Marois voudront bien faire les choses. Au printemps 2014, le ministre des Finances Nicolas Marceau dépose un budget et des élections seront déclenchées avant même sa défaite au Parlement. “Pendant 18 mois au pouvoir, je trouve qu’on n’a pas été pires”, a conclu Mme Marois.