Un phénomène mondial
Elle trouve son origine dans l’explosion des coûts de production des industriels, restaurants ou autres boulangeries (énergie, transport, emballage) et des matières premières agricoles. Les restaurateurs français ont par exemple vu les prix pratiqués par leurs distributeurs CHD (consommation hors domicile) augmenter en moyenne de 13% pour le second semestre 2022, selon Food Service Vision, avec les prix de certains produits alimentaires comme la viande de bœuf (+28,2%) ou moutarde (+23,9%). Il y a également des augmentations de salaire à partir du 1er avril 2022, d’une moyenne de 16,3 %. Cependant, l’augmentation de la « démarque inconnue » n’a pas empêché l’augmentation des prix des menus. Selon une étude de Food Service Vision et du Groupement National des Hôtels et Restaurants Indépendants, 40% des professionnels de la restauration affirment également avoir augmenté leurs prix à partir de janvier 2022. Le phénomène des portions réduites dans les assiettes se retrouve aussi outre-Atlantique. Selon une étude du site Yelp publiée en juillet 2022, la restauration est l’un des secteurs les plus touchés par ce phénomène, notamment la restauration rapide. L’étude montre que ce sont surtout les restaurants qui servent de la “nourriture bon marché” qui utilisent le plus cette méthode. La restauration rapide, les pizzerias, les restaurants chinois et italiens réduisent considérablement les portions de leurs plats. « La restauration rapide, qui opère davantage dans l’assemblage de produits bruts, avec des produits de base comme les burgers et les frites, aura plus de mal, avec la hausse du prix de la viande bovine et de l’huile. Elle n’a pas la même flexibilité que la table de restauration, qui pourra moduler ses plats du jour », explique Florence Berger, directrice adjointe du cabinet de conseil Food Service Vision, dans leur dernière Revue Stratégique. Certaines chaînes de restauration rapide, comme Burger King et Domino’s Pizza, ont annoncé vouloir réduire les portions face à l’inflation à partir de janvier 2022, tandis que d’autres ont préféré augmenter leurs prix, comme les kebabs en France ou encore le géant McDonald’s. . aux États-Unis (hausse de 2,7 % des prix de groupe en début d’année).
Une limite à ne pas franchir
Les prix n’augmentent peut-être pas, mais les clients se plaignent toujours. Les recherches de Yelp révèlent qu’un nombre croissant de consommateurs se plaignent de ce fameux « rétrécissement ». N’y aurait-il pas cependant une limite à ne pas franchir ? En effet, réduire les portions tout en laissant le prix inchangé est une pratique dont la moralité est discutable. Cela pourrait nuire à la clientèle et, du même coup, entraîner une baisse de fréquentation des points de restauration, cependant, depuis quelques années, certains s’entendent pour dire que les portions servies dans les restaurants étaient trop importantes. Une étude publiée en 2018 par une équipe internationale de scientifiques, avec le soutien de la FAPESP (The São Paulo Research Foundation), a montré que 94% des plats principaux les plus populaires servis dans les restaurants assis étaient très caloriques et dépassaient la santé publique recommandations santé dans le but de lutter contre l’obésité. Ainsi, réduire les portions pourrait aider à combattre ce problème ainsi que le gaspillage alimentaire. En tout cas, cette pratique est la cible de certaines associations, notamment Foodwatch, qui “se bat pour la transparence dans le secteur agroalimentaire”. Dans l’émission “Complément d’Enquête” diffusée jeudi soir sur France 2, Foodwatch met en lumière six marques “qui ont changé la taille de leurs produits phares ces dernières années”. Ainsi, les chocolats au lait des Pyrénées de Lindt ont été réduits de six bouchées, passant de 30 à 24 et réduisant le poids total de 20 %. Alors que le prix au kilo, relevé chez le distributeur Carrefour, a bondi de 30% depuis 2020, la hausse du prix de la box s’est limitée à 4%… La Salvetat, propriété de Danone, a réduit la taille de ses bouteilles. l’eau de 1,25 litre à 1,15 litre en 2020. Enfin, le prix de la bouteille augmente légèrement (+5%), tandis que le prix du litre a augmenté de 15% chez Intermarché. Foodwatch souligne également que la mention “Forme généreuse comme les sudistes” a disparu de l’étiquette. Pour le justifier, Lindt France explique que “le prix au kilo a augmenté, reflétant la volatilité et la hausse des coûts de (ses) opérations”, selon un courrier transmis à Foodwatch et consulté par l’AFP. Quant aux prix, certains refusent en grande surface : “On ne peut que conseiller un prix de vente que le distributeur est libre d’appliquer ou non”, écrit le service consommateurs de Danone France. Cependant, les informations sur l’emballage leur appartiennent. Réduire les quantités “est une pratique parfaitement légale, à condition que le poids du produit soit clairement indiqué sur l’emballage pour ne pas induire le consommateur en erreur”, explique Guillaume Forbin, avocat spécialisé en droit de la consommation chez Kramer. Vin. Selon l’analyste financier John Plassard, gérant du fonds Mirabaud, environ 2% des produits alimentaires vendus en GMS pourraient être concernés par “la baisse de l’inflation”, avec en tête les céréales et les tablettes de chocolat. L’analyste met le doigt sur un autre phénomène, « l’inflation bon marché » (de l’anglais « cheap », bon marché). Elle consiste à « remplacer certains produits ou aliments par des substituts moins chers (alimentaires ou non). Il donne l’exemple, aux Etats-Unis, d’une glace devenue “dessert glacé” car “tellement de produits laitiers ont été supprimés (…) qu’on ne peut plus légalement l’appeler glace”. Si cela peut “créer un problème d’image”, dans le cas où “la liste des ingrédients sur l’emballage a changé”, là non plus rien d’illégal, commente Guillaume Forbin. Quiconque ne respecte pas le droit de la consommation “très strict” s’expose à des “amendes très élevées”. Autre procédé : l’expert en consommation Olivier Dauvers pointe dans son blog l’exemple d’une boîte d’aliments pour bébés du géant Nestlé, dont la taille a augmenté, passant de 400 à 415 grammes. Il est vendu beaucoup plus cher que le modèle précédent (+23% du prix au kilo). Mais la pilule passe grâce à un nouvel emballage qui propose un mélange qui contient désormais des “5 grains”, un produit supposément de meilleure qualité.
Une pratique retrouvée dans les cantines
L’orientation collégiale est également affectée par la « réinflation » et certaines écoles ont décidé de recourir à cette pratique afin de ne pas augmenter le prix des repas. La cantine scolaire de Caudebec-Lès-Elbeuf en Seine-Maritime, avec l’accord des parents d’élèves, a réduit les portions des repas en ne proposant qu’un seul plat principal accompagné d’une entrée, d’un fromage ou d’un dessert. Nos confrères de BFMTV rapportent qu’en raison de l’inflation, l’augmentation du budget s’est élevée à “près de 32 000 € par an” dans la ville. Cette solution permet donc d’économiser des ressources qui, selon la ville, n’auront aucun impact sur les enfants. “Mieux vaut retirer un aliment du repas que d’augmenter le prix, surtout quand on a beaucoup d’enfants qui mangent à la cantine”, explique un parent à BFMTV. Enfin, le magazine de la ville de Caudebec-Lès-Elbeuf insiste sur le fait que cette mesure contribuera également à la réduction du gaspillage alimentaire alors que cela représentait 21 kilogrammes de nourriture par enfant et par an selon une étude réalisée en mars 2022.