Posté à 8h00
Isabelle Massé La Presse
Le G7 a déclaré vendredi que “le plafond des prix est spécifiquement conçu pour réduire les revenus de la Russie et sa capacité à financer sa guerre d’agression, tout en limitant l’impact de la guerre de la Russie sur le monde”.
Est-ce possible comme accord ?
“Tout comme l’OPEP [Organisation des pays exportateurs de pétrole] est un cartel qui coupe la production de pétrole et fait monter les prix, il est possible d’organiser un « cartel d’acheteurs » de pétrole pour tenter d’imposer un prix au pétrole russe, explique Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire HEC Montréal Énergie. Il est fort probable qu’un tel accord soit conclu… mais la difficulté est de le faire respecter. » PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire en gestion de l’énergie à HEC Montréal C’est d’autant plus difficile que le pétrole russe est déjà vendu à un prix inférieur au prix du marché en raison du boycott occidental. Le pétrole russe afflue vers la Chine et l’Inde, qui se tournent vers cette source parce qu’elles peuvent l’acheter moins cher. Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire en gestion de l’énergie à HEC Montréal
Le prix plafond pourrait-il être encore moins cher ?
« Peut-être… et alors tout le monde voudra acheter du pétrole russe pour profiter du bas prix ! répond Pierre-Olivier Pineau. Ce serait un peu paradoxal. Les Russes disent qu’ils refuseront de vendre aux pays participants à ce prix plafond. Si ce sont les mêmes pays qui boycottent déjà le pétrole russe, toute cette stratégie n’aura aucun effet. Les pays qui imposent le prix plafond n’achètent pas déjà du pétrole russe, et les Russes ne le vendraient pas si le prix plafond était imposé. Donc rien ne changera ! »
La Chine et l’Inde pourraient-elles rejoindre le groupe, comme vous le souhaitez ?
“Si assez [nouveaux] des pays comme la Chine et l’Inde participent à l’accord, donc cela aura un impact sur la Russie, explique Pierre-Olivier Pineau. Les revenus pourraient chuter fortement. L’appât des prix bas pourrait intéresser la Chine et l’Inde… mais au prix d’une rupture des relations diplomatiques avec la Russie. Il est peu probable que cela se produise. « À long terme, si un plafonnement des prix du pétrole russe devait entrer en vigueur, la production russe diminuerait car elle serait moins rentable. Le prix des autres pétroles augmenterait alors que l’offre mondiale réduite par la production russe ferait face à une demande similaire. Un blocus du pétrole russe, qui a déjà fait grimper les prix, combiné à une réduction de la production russe pousserait les prix du pétrole encore plus haut. « C’est donc une approche très bancale, d’un point de vue théorique, pour résoudre un problème. Sans compter qu’en pratique ce serait difficile à mettre en œuvre, et tout le monde se précipiterait sur le pétrole russe “bon marché”, au point d’être prêt à payer pour avoir le droit de l’acheter à ce prix plafond. Et un marché secondaire pour le “droit d’acheter” le pétrole russe le rendrait aussi cher que n’importe quel autre. »
Quelle serait la meilleure solution ?
“Ce qui est triste dans tout ce discours sur le pétrole, c’est qu’on ne parle pas du meilleur moyen de faire baisser le prix du pétrole : réduire la consommation mondiale”, déplore Pierre-Olivier Pineau. S’il y avait un gros effort collectif dans l’efficacité énergétique, le covoiturage, les transports en commun, le télétravail, non seulement la demande baisserait, mais les prix aussi. De nombreux problèmes environnementaux seront résolus. Malheureusement, nous ne semblons pas prêts à changer nos habitudes confortables pour défendre les principes démocratiques et la paix ou résoudre les problèmes environnementaux. »