“Le choix est fait depuis au moins deux semaines”, assure un proche d’Emmanuel Macron. Selon nos informations, l’Autorité suprême pour la transparence de la vie publique (HATVP) vient de donner son feu vert à un tel recrutement. Dès hier, la newsletter Politico présentait Frédéric Michel comme un CV “bien placé au cabinet du chef de l’Etat” pour remplacer le communicant Clément Léonarduzzi, conseiller à l’Elysées jusqu’en mai dernier. Ainsi Frédéric Michel semble avoir négocié avec le Président de la République un poste à sa hauteur, car il ne se limitera pas au domaine de la communication et endossera de fait le rôle de la “boîte à idées” qu’avait Ismaël Emelien à la début de l’aventure Macron.
Cours multiples
Car le parcours de cet expert est multiple et son expérience cohérente. Après avoir grandi à Poitiers et fait de brillantes études (Sciences Po Bordeaux, Institut Universitaire Européen de Florence et London School of Economics), il fait ses premiers pas en politique auprès d’Edith Cresson, une amie de la famille. , et entre au service de Dominique Strauss. -Vers le milieu des années 1990, avant de tomber dans le grand bain de la vie politique britannique au service de Tony Blair et de son New Labour. A l’époque, il contribue surtout au projet européen de la « troisième voie » en fondant le thinktank Policy Network (dont il deviendra le directeur), organisation qui sera rejointe par Peter Mendelson, futur commissaire européen au commerce.
Le rapprochement entre Tony Blair et Rupert Murdoch booste sa carrière
Mais la carrière de Frédéric Michel sera boostée dans les années à venir par le rapprochement de Tony Blair avec Rupert Murdoch, le magnat australien des médias qui possède de nombreux journaux en Grande-Bretagne et qui lancera quelques années plus tard FoxNews aux Etats-Unis et deviendra le propriétaire du Le journal Wall Street. En 2003, il devient associé du cabinet de conseil Reputation Inc., puis rejoint en 2009 l’équipe Murdoch du groupe News Corp. Peu de temps après, son nom était au centre du scandale BSkyB, le paquet satellite que Murdoch voulait acheter carrément en lançant une grande campagne de lobbying auprès du gouvernement de David Cameron. Cela n’empêche pas le petit Francy, qui possède également un passeport britannique, de continuer dans les années à venir à se rapprocher de James Murdoch, le fils du magnat australien, qu’il conseillera sur un tas de dossiers internationaux. Et au fur et à mesure que la série télévisée Succession s’en inspire, le “jeune” James va peu à peu prendre ses distances avec son père, qui soutiendra activement Donald Trump dans son aventure présidentielle. En rupture politique avec son père, James Murdoch tend alors la main aux démocrates, allant jusqu’à financer Joe Biden et diverses causes en faveur du climat. Dans cette optique, il décide en 2021 de financer le nouveau média Brut, co-fondé par le producteur Renaud Le Van Kim. Une opération réalisée avec l’aide de… Frédéric Michel.
Assez de relais
Consultant en stratégie, communicant, lobbyiste, Frédéric Michel est donc un poids lourd d’influence. Et c’est peu après Opération Brut pour James Murdoch, qui va de nouveau s’intéresser à la vie politique française à partir de fin 2021, à quelques mois des élections présidentielles. Il s’associe ensuite au banquier d’affaires Mathieu Pigasse et devient administrateur de l’Inrocks. En effet, à travers Renaud Le Van Kim, il finit par se rapprocher de la macronie, tout en rencontrant également d’autres personnalités du monde des affaires de Paris, comme Xavier Niel, Bernard Arnault ou Denis Olivennes (directeur de CMI, filiale de Kretinsky, et PDG de Libération ), qui ont chacun leur façon d’entrer dans le Château. Certes, Michel a peu pratiqué le journalisme politique parisien ces dernières années, mais il a déjà de sérieuses attaches au cœur de l’industrie des médias en France. Plutôt rompu à la pratique des médias anglo-américains, Frédéric Michel sait manier la communication de crise, tel un véritable « spin doctor ». A l’heure où les tensions montent à travers le monde, son arrivée à l’Elysées va permettre à Emmanuel Macron de redorer son image à l’international alors qu’il fait face à de nombreux enjeux (guerre en Ukraine, crise énergétique et climatique, relations avec les Etats-Unis dans quelques mois avant les élections de mi-mandat avec l’affrontement entre Biden et Trump…), et qu’elle a fait l’objet de toute l’attention médiatique ces derniers mois (Que l’on pense à l’affaire “Uberleaks” début juillet dans le Guardian, ou plus récemment dans le Washington Post sur les coulisses diplomatiques de la guerre en Ukraine ou le magazine Rolling Stone qui a consacré un article au président français qui a fait du bruit outre-Atlantique). Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron se tourne vers l’histoire de l’équipe de Tony Blair. Lors de sa campagne présidentielle de 2017, Alastair Campbell, célèbre spin doctor de l’ancien premier ministre britannique, lui a fourni plusieurs notes de stratégie et d’analyse politique. Cependant, la séduction de Campbell par Macron a été de courte durée. Ce dernier ne fait plus partie des admirateurs du président français à l’international.