Bernard Cazeneuve n’est pas homme à mâcher ses mots. Et encore moins de multiplier les interventions. Après un long silence, l’ancien premier ministre sort de sa réserve. Lui qui n’est plus membre du Parti socialiste lancera dimanche un “Manifeste pour une gauche sociale-démocrate, républicaine, humaniste et écologiste”, accompagné de près de 400 signataires. “Dans la tempête et face au danger, l’erreur fatale est de baisser le compas”, avertissent les rédacteurs dans un message clair au reste de la gauche. Parmi les signataires, on retrouve une nouvelle génération que Cazeneuve entend accompagner, ainsi qu’une cinquantaine de maires et quelques poids lourds socialistes comme Stéphane Le Foll (maire du Mans), Jean-Christophe Cambadélis (ancien premier secrétaire du Parti socialiste) , Carole Delga (présidente de la région Occitanie), Loïg Chesnais-Girard, (président de la région Bretagne) ou encore Nicolas Mayer-Rosignol (maire de Rouen). D’anciens ministres de François Hollande et certaines personnalités comme le journaliste Laurent Joffrin ou l’ancien directeur général de l’OMC Pascal Lamy se sont également ralliés à cette démarche. Alors que le courant de pensée social-démocrate est régulièrement décrit comme mourant, Bernard Cazeneuve et ses amis entendent lui insuffler un nouveau souffle, estimant que le courant PS foule aux pieds cet héritage dans une alliance impie avec Jean-Luc Mélenchon. “Ce serait une erreur de se contenter d’attitudes grandioses de désobéissance, acceptant le mariage de l’inconséquence et de la violence, dans un nihilisme où la colère bloquerait l’avènement de l’espoir, mitraillant les signataires. (…) La gauche que nous croyons est imprégnée de l’esprit de nuance »

Cazeneuve se dit déterminé à mener le combat

Dès lors, ce “manifeste” doit être lu comme une amorce, comme un “appel à la refondation et donc à la formation d’une dynamique collective”. Avec ce texte d’une dizaine de pages, Cazeneuve et ses compagnons de route présentent leur identité politique qui est aussi un passeport vers un ailleurs qui reste à construire. Cela s’avère bien. Cazeneuve, que certains socialistes aimeraient voir se présenter à la dernière élection présidentielle, ne va pas mâcher ses mots et se dit déterminé à mener le combat. Face à cette situation, “c’est donc à nous, Républicains de gauche et d’où que nous venons, de nous organiser pour rassembler nos forces et unir nos efforts pour redonner au peuple français l’espoir qu’il mérite. ». Et d’indiquer « le mandat des combattants de l’espoir : démontrer au jour le jour qu’une autre gauche est possible, qui rompe avec l’exagération et le sectarisme ».
Cet engagement décisif de Cazeneuve commence par un sombre constat. “Il est très probable que la communication effrénée d’une majorité affaiblie, sans boussole ni projet, et les postures théâtrales des oppositions radicalisées ne suffiront pas à répondre à l’épuisement démocratique, qui prive la Démocratie de sa force vitale”, estime-on. dans ce manifeste. Sans que ce manifeste soit un programme, les signataires fixent quelques axes clés de ce renouveau : « recréer une nation », « redonner la possibilité d’une ascension sociale », « renforcer l’intervention de la puissance publique » ou encore assurer une Union européenne qui “reste pour nous le grand espoir de notre pays”. Des pistes plus précises sont proposées : “lutter contre les déserts médicaux grâce à une politique incitative vraiment attractive”, “moderniser le parc nucléaire” et faire l’éloge de cette source d’énergie, “relancer la construction de logements sociaux”, revaloriser la baisse des retraites, “une nouvelle étape dans centralisation”… Ce manifeste lancé par Cazeneuve le propulse-t-il pour les années à venir à la tête de cette « autre gauche » social-démocrate ? Il est probablement un peu tôt pour le dire. “Beaucoup de gens veulent le reconnaître comme un leader. Maintenant, c’est à lui de montrer qu’il l’est. Doit s’en aller”. Voici son manifeste : « A l’issue des élections présidentielles et législatives, les Français ont le sentiment d’un paysage politique abîmé. Certes, leur majorité, voulant avant tout empêcher l’extrême droite, a donné un nouveau mandat au président de la République, mais sans lui faire bénéficier, chemin faisant, d’une nette majorité à l’Assemblée nationale, ce qui lui aurait permis gouverner en douceur. Dans un contexte international, européen et français qui exige des décisions urgentes et courageuses, cette fragilité du pouvoir expose notre pays à un grave risque de rupture et de dégradation. Si nous nous préoccupons avant tout des intérêts de la Nation et de ceux qui en son sein sont les plus exposés aux crises climatiques, économiques ou sanitaires, nous devons avoir la lucidité de faire ce constat. Chose aggravante, aucune opposition n’a trouvé grâce auprès de nos concitoyens, car, dans la gravité du moment, l’irresponsabilité qui semble présider aux choix de chacun a contribué à l’exclusion de tous. Ainsi, ni la majorité relative anémique ni les oppositions portées principalement par le radicalisme ne semblent pouvoir répondre aux attentes de nos compatriotes. L’abstention massive des Français témoigne aussi de la perte de confiance dans les institutions de la République, mais aussi dans les forces politiques établies, dont les citoyens doutent désormais qu’ils sauront se mettre au service du bien collectif. Il est fort possible que la communication effrénée d’une majorité affaiblie, sans boussole ni agenda, et les postures théâtrales d’oppositions radicalisées ne suffisent pas à répondre à l’épuisement démocratique, qui prive la Démocratie de sa force vitale. Alors que notre système politique et institutionnel s’interroge sur sa légitimité et que son efficacité décline, les Français aspirent à un gouvernement qui puisse à nouveau agir dans le respect d’eux, c’est-à-dire avec leur intelligence collective. C’est précisément dans ce contraste entre la situation politique et les aspirations profondes des Français que réside le danger d’un grave court-circuit démocratique : blocage possible des institutions, montée de la violence dans l’espace du dialogue public, effacement de la notion de respect , le désir de certains de susciter, à chaque instant, la remise en cause de tout, incitant la foule à occuper les rues, ils offrent de sombres perspectives pour notre pays. “ Il est fort possible que la communication débridée d’une majorité affaiblie, sans boussole ni agenda, et les postures théâtrales d’oppositions radicalisées ne suffisent pas à répondre à l’épuisement démocratique. “ Le mal est profond. Le divorce entre le peuple et les dirigeants politiques est total. De plus en plus de Français ont le sentiment de ne pas être entendus et – bien plus grave – de ne pas être respectés. L’indignation l’interroge avec fatalisme, avec insécurité culturelle, s’y ajoute une précarité existentielle qui donne le sentiment de vivre dans une société d’une certaine époque. L’insécurité quotidienne, conjuguée à l’incertitude du lendemain, engendre aussi bien l’incompréhension que la colère. Pourtant, telle une lueur d’espoir, l’aspiration à la justice, à l’harmonie et au progrès est toujours présente. Les actions sont partout et le désir de servir reste infini. Comme souvent face aux grands défis, la France n’a pas perdu confiance en elle. Fondamentalement, ce nouveau paysage politique met également en évidence le vide laissé par la social-démocratie et les humanistes de gauche. C’est ainsi qu’il faut lire ce texte qui n’est rien d’autre qu’un appel à la refondation et donc à la création d’une dynamique collective. Un progrès qui protège, une Démocratie revigorée, un État profondément restauré et une véritable humanité écologique : voilà ce qui manque aux débats, voilà le cœur d’un nouveau mandat d’action. C’est donc à nous, Républicains de gauche et d’où que nous venons, de nous organiser pour rassembler nos forces et conjuguer nos efforts pour redonner aux Français l’espoir qu’ils méritent. Tel est le mandat des combattants de l’espoir : prouver jour après jour qu’une autre gauche est possible, qui rompt avec l’exagération et le sectarisme, mais qui reste fervente à rejeter les inégalités, les injustices et les discriminations, à défendre les valeurs. de la République et dans sa détermination à réussir le grand combat pour le climat dont la jeunesse du monde entier porte hardiment le flambeau. “ Nous nous organisons pour rassembler nos forces et conjuguer nos efforts pour redonner aux Français l’espoir qu’ils méritent. “

Risque de dislocation de la société française

Les Français aspirent à un changement profond. Ils demandent à être convaincus que le progrès est encore une promesse possible pour eux et leurs enfants. Certains aspirent à acquérir le souffle des grandes espérances, qui a parfois permis dans l’histoire de vaincre un monde pour en faire surgir un autre, plus juste et moins violent. Beaucoup s’inquiètent du climat d’extrême tension dans lequel se trouve la Nation. Lors de l’élection présidentielle, les…