Selon la majorité des cadres interrogés, pas un nuage à l’horizon pour le RN, encore galvanisé par les 89 sièges de parlementaires remportés aux législatives et les récents sondages sur la cote de popularité de Marine Le Pen. “Nous sommes dans une période extrêmement paisible et nous nous apprêtons à vivre un grand moment de démocratie. Rien à voir avec la conférence après la défaite de 2017 ni avec la rupture de Bruno Maigret en 1998”, s’enthousiasme Jean-Lin Lacapelle, porte-parole du RN et de l’eurodéputé. Il n’y a pas de combat, mais deux candidats, chacun avec sa propre histoire. “Ils ont la même ligne politique. Ce sont des marinistes. C’est avant tout une question de profil”, confirme Philippe Ballard, député et porte-parole du RN. Alors Jordan Bardella puise dans son palmarès de président par intérim pour vanter sa candidature. “Je me permets de demander votre confiance pour continuer le chemin gagnant que nous avons suivi avec Marine”, a écrit l’eurodéputé dans une lettre adressée au militant libérée mercredi 30 août. « On ne change pas une équipe qui gagne, précise le député Alexandre Loubet, il soutient le président par intérim. La configuration de la dernière présidentielle était la bonne : avec Jordan Bardella, qui, en tant que président-combattant du RN, met le parti sur le bon chemin pour soutenir la candidature de Marine Le Pen. » Au siège du RN, les responsables pointent les nombreux dons des élus qui affluent pour Jordan Bardella. convention, il est arrivé en tête des votes pour le conseil national, juste devant Louis Alio », se souvient le député. “Je considère Jordan Bardella comme le candidat naturel et légitime.” Alexandre Loubet, RN adjoint chez franceinfo Si le jeune capitaine du RN laisse des favoris, il ne compte pas se reposer sur ses lauriers. Après une rentrée prévue ce dimanche sur BFMTV, il se lancera dans une tournée des fédérations du Rassemblement national à la rencontre des adhérents. “Jordan Bardella a une bonne capacité de travail et d’organisation. Cela n’enlève rien à la valeur de Louis Elliott. Mais Jordan, c’est l’avenir, c’est la relève”, vante encore Philippe Ballard, qui fait partie de plusieurs cadres pour montrer la leur. soutien au président par intérim. La course semble déséquilibrée, et certains s’interrogent même sous couvert d’anonymat sur l’intérêt de la candidature d’Aliot. “Honnêtement, entre nous, je ne sais pas pourquoi il se présente, je ne comprends vraiment pas. Il a peut-être envie d’animer le débat démocrate…”, s’interroge un des élus du RN. Le parti d’extrême droite, qui opère dans une culture de leader incontesté, ne s’épuise généralement pas dans les campagnes internes, à l’exception du congrès de 2011 qui a abouti à l’élection de Marine Le Pen face à Bruno Golnis. Avec Louis Eliot certains ont d’abord pensé à une nomination au martyre. Mais son ex-compagne Marine Le Pen semble avoir réussi à lancer le match cet été. Pour aller de l’avant, il puise dans ses racines locales et son expérience de maire, le seul du RN à diriger une ville de plus de 100 000 habitants. « Si ça marche à Perpignan, pourquoi ça ne marcherait pas ailleurs ? a déclaré le vice-président du RN à ses partisans réunis, samedi 27 août, devant la mairie du Baixas (Pyrénées-Orientales). “J’ai passé trente ans à me battre pour cette formation politique, j’ai occupé tous les postes.” “J’ai parrainé Louis Aliot parce qu’il est maire, il a de l’expérience dans l’accompagnement de l’implantation locale du mouvement dans le cadre des prochaines municipales”, explique l’ancien député du Nord Ludovic Pajot. “Il a de l’expérience et un haut niveau académique, être docteur en droit est un atout”, estime Bruno Gollnisch, qui n’a pas encore fait son choix. Derrière la bonne entente affichée en public par les deux candidats, au coeur de l’été, les attaques pointues contre Jordan Bardella se sont multipliées. Certains doutent de sa capacité à fédérer sa famille politique, critiquent sa proximité avec les franges identitaires du parti ou dénoncent “l’ambition démesurée” du jeune eurodéputé. Selon plusieurs ténors du parti, ces critiques ne viendraient pas de l’entourage de Louis Allot, mais plutôt du “groupe du Pa-de-Calais”. Comprendre : le maire d’Hénin-Beaumont Steeve Briois et le député Bruno Bilde, historiquement proche de Marine Le Pen. “Ils ne soutiennent pas l’ascension politique et le talent médiatique de Jordan Bardella. Ils ne soutiennent plus Louis Aliot, mais ils ont trouvé en lui le candidat idéal pour tenter d’empêcher l’élection de Jordan Bardella”, déplore une proche de Marine Le Pen, qui dénonce “l’amertume et la jalousie” des deux électeurs du Nord. “Quand Marine Le Pen a confié à Jordan Bardella la direction de la fête, Bruno Bild et Steve Briois ont boycotté toutes les réunions. Incroyable !” Proche de Marine Le Pen chez franceinfo D’autres responsables RN et supporters de Jordan Bardella regrettent “une querelle personnelle” qui mérite un “terrain de jeu”. “Ce sont des gens qui sont là pour casser la machine comme avec Bruno Mégret en 1998”, déplore un député européen. “Ce qui ne manque pas de sel dans cette histoire, c’est que Bilde et Briois ont tout fait pour que Louis Aliot ne soit pas notre premier sur la liste européenne en 2019. Aujourd’hui, ils s’en prennent à Jordan parce qu’ils ont du mal avec sa popularité”, ajoute un très responsable du parti bouleversé. Visant le camp de Bardella, le “groupe Pas-de-Calais” préfère jouer la montre. Sans nier qu’il est à l’origine des attentats. “Nous parlerons mi-septembre du congrès du parti de manière officielle et très explicite”, assure Bruno Bilde à franceinfo. Au Rassemblement national, certains voient dans la nomination surprise de Louis Elliott un moyen de freiner les ambitions de Jordan Bardella. « Louis Alio me semble être entré dans la course pour empêcher Jordan Bardela de faire de l’ombre à Marine Le Pen. Si Jordan Bardela était le seul candidat ou s’il devançait Louis Alio de très loin, il ne voudrait plus s’arrêter à son ascension. Il aime le pouvoir, mais il doit attendre son tour », rouspète un député des Marines fraîchement élu. « C’est faux, il n’a pas eu le melon du tout ! a répondu le membre du Congrès Philip Ballard qui était en faveur de Bardella. La course à la présidence du RN pourrait en partie se tenir lors des journées parlementaires du parti d’extrême droite, organisées le week-end du 17-18 septembre à Agde (Hérault). “On saura très vite si les anti-Bardellas arrivent à convaincre et à rassembler autour d’eux des troupes assez fortes”, plaide le jeune candidat RN à la présidentielle, qui relativise “ces critiques à la limite”. “Franchement, quand je vois la popularité de Jordan Bardella auprès des militants et de nos élus, je suis persuadé qu’il s’imposera en grand et que l’épisode sera clos.”